Petit éloge du 49:3

Ca y est ! Notre bien-aimé gouvernement a piétiné les plates-bandes parlementaires en usant du 49:3 pour la centième fois dans l'histoire de Gueuse la cinquième. Normalement, un chiffre rond, ça s'arrose. Aujourd'hui, ça se brûle.

Nos gauchos préférés vitupèrent contre le 49:3, leurs militants, bave aux lèvres, reprennent docilement leurs mots d'ordre. Dans pas mal de milieux de senestre, on demande l'abrogation de l'article maudit. 

Plus étonnant, certains droitards font de même, y compris des roycos.

Eh bien pas moi;

Entendons-nous bien : j'ai très peu de sympathie pour la réforme de nos retraites et l'attitude tyrannique de notre président me courre sur le haricot. Son utilisation du 49:3 est clairement un abus de pouvoir. Mais comme on dit en latin, abusus non tollit usus ; pour les deux du fond qui séchaient leurs heures au collège, ça veut dire : "l'abus ne supprime pas l'usage".

Le 49:3 (plus exactement l'alinéa 3 du paragraphe 49 de la constitution) permet au gouvernement d'imposer un projet de loi au parlement en se passant de son avis. Rien que de très sympathique : tout ce qui permet de mépriser la députaille devrait être déclaré d'utilité publique.

Mais surtout, c'est un droit régalien, au sens fort. Toujours pour les deux du fond, régalien vient de "rex, regus" : le roi. Si j'osais, je verrais dans ce fameux article la moderne (et hélas, républicaine) incarnation des antiques "lits de justice", par lesquels le roi obligeait les Parlements à enregistrer ses décisions en passant outre leurs remontrances.

Certains intellocrates font valoir que ce pouvoir n'existe pas ailleurs. Certes, et c'est pourquoi le chaos parlementaire français est quelque peu jugulé (en théorie tout du moins). Est-ce qu'on veut revenir aux heures bénies de la IVe gueuse, où les ministères duraient quelques semaines au bon plaisir des parlementaires ? Mélenchon, ses pompes et ses anges n'en sont pas loin. Raison de plus pour le refuser.

D'ailleurs, si on veut jouer au jeu de "On devrait faire comme à l'étranger" (réflexe français vieux comme le monde, voyez la fascination des Lumières françaises pour Albion), ça tombe bien, devinez qui trime jusqu'à 65, 67 ou 70 ans ? Les Allemands, Britanniques, Espagnols, etc. Ah, l'étranger, quel beau modèle !

Non, vraiment, il faut garder le 49:3. La décision doit primer la discussion (merci Carl Schmitt). Un Etat vraiment souverain doit pouvoir imposer son autorité pour le bien de tous dans certains cas.

J'insiste : dans certains cas. Or Macron a clairement outrepassé son quota d'utilisations. L'abus ne supprime pas l'usage, mais doit être réprimé quand même.

C'est là que la royauté "à la française" présente (encore) de l'intérêt : détentrice de l'autorité suprême, elle sait qu'elle n'en doit faire usage qu'exceptionnellement, parce qu'il sait qu'il en subira les conséquences, bonnes ou mauvaises. Un roi se fût abstenu d'une telle répétition de ce fameux 49:3, surtout dans les circonstances présentes.

Faut-il donc couronner notre constitution ? En tous cas, il faut garder le 49:3. 
Mais avec un roi, un vrai.

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